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La Regata Storica de Venise en 1861
Le Témoignage d'Alfred Driou (suite)
« Quatre milles Vénitiens, c'est-à-dire une lieue, telle est l'étendue de la joute, du Jardin Public au-delà du Rialto, ce pont qui enjambe le grand canal.
Il faut que les jouteurs aillent tourner autour d'un poteau planté au beau milieu du Grand Canal, et qu'ils reviennent par la même voie jusqu'au palais Foscari, qui fait face au coude du canal, où des prix sont distribués aux vainqueurs, selon l'ordre de leur arrivée.
Notez que les gondoles qui prennent part à cette fête nautique ont un fond mince et léger, à ce point que le gros soulier du rameur, ou son orteil seulement, car ils ont souvent le pied nu, pour s'appuyer mieux, peut le faire crever dans un effort. Aussi place-t-on là une double planche.
Deux hommes, habillés de couleurs brillantes, montent ces frêles esquifs.
Les Chioggiotes, Nicolotti et Castellani députent, bien entendu, leurs nautonniers les plus forts et les plus adroits.
Et encore, à l'avance, contrairement à l'usage de nos jockeys, qui jeûnent pour se rendre plus chétifs, ces gondoliers cessent de travailler pour recouvrer la plénitude de leurs forces, mangent bien, boivent mieux encore, et se gardent de toute cause débilitante.
Le grand jour arrive.
Nos jouteurs se mettent au cou leur scapulaire le plus vénéré, la médaille la plus sainte, des reliques de saint Marc, s'ils ont le bonheur d'en posséder.
Puis ils s'agenouillent devant leurs vieux pères, gondoliers comme eux ; embrassent leurs femmes, leurs enfants, et vont prier Santa Maria della Salute, ou Santa Maria Formosa, ou San Pietro, que sais-je ?
Souvent même ils portent avec eux leurs avirons, pour que la bénédiction paternelle et celles de la Vierge et du saint Patron s'étendent à leurs barques ; et enfin les voilà partis pour le théâtre de la joute.
Parmi les embarcations qui font ligne sur les lagunes et se pressent au premier rang, il y a les ballotines : ce sont de petits batelets à quatre rames.
Il y a les malgherottes, ce sont des bateaux à six avirons.
Viennent ensuite les glorieuses bissonnes, galéasses à huit rameurs, comme aux beaux jours de la république, décorées d'un dais en gaze d'or, d'argent, de pourpre, ou de velours vert à crépines, sur lesquels la brise agite de légers marabouts ou des plumes d'autruche.
Beaucoup de ces bissonnes ont des baldaquins et des rideaux couverts en étoffes à larges rayures, et portent, en poupe et en proue, des sirènes aux gracieux sourires, des oiseaux qui déploient leurs ailes comme des voiles, des amorini aux cheveux blonds et aux joues roses, des trophées d'armes or et azur.
Il est aussi de ces bissonnes auxquelles leur longueur, la pointe aiguë de leur proue, mais surtout leur prestesse, leur agilité, leur extrême aptitude à voler sur les eaux, à glisser rapidement au milieu des obstacles, fait donner la dénomination de grosso serpente.
Ces galéasses doivent précéder les jouteurs, et leur fonction est de faire ouvrir le passage devant eux, si quelquefois déborde, de la ligne qui lui est fixée, l'inimaginable concours de barques qui stationnent sur ces lagunes ou le long du grand canal.
Ce sont les gardes-municipaux de l'endroit.
D'ordinaire, de jeunes nobles de Venise équipent ces gros serpents.
Alors, agenouillés sur des coussins de velours ou de soie, à la proue de la bissonne, et armés d'une arbalète, ces surveillants ou plutôt ces patrons de la joute lancent des traits d'or aux embarcations qui dépassent la ligne et remplissent ainsi d'une manière fort aimable l'office de sergent-de-ville.
Enfin, parmi ces gondoles, ces ballotines, ces malgherottes, ces bissonnes, on voit même s'avancer fièrement le Bucentaure, cette vaste et riche galère des doges, avec son trône d'or, ses sièges d'or pour le conseil, les sénateurs, les procurateurs, etc., ses avirons d'or, ses bastingages d'or, sa poupe et sa proue d'or, ses tendines-de velours couleur de feu, et ses élégants rameurs.
Mais ce Bucentaure n'est qu'une contrefaçon et un souvenir de l'antique Bucentaure du mariage des doges avec la mer Adriatique.
Sur ce pseudo-Bucentaure sont groupés les représentants de l'autorité. »
Alfred Driou - Voyage Pittoresque à Venise – 1861
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