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Van Gogh « Pietà » d'après Delacroix, au musée d'art Contemporain du Vatican à Rome


Vincent Van Gogh (1853-1890) « Pietà »

Huile sur Toile (41,5 x 34 cm) 1890

La « Pietà » de Vincent Van Gogh d’après Eugène Delacroix

Vincent Van Gogh, Pietà, au musée d'art contemporain du Vatican à Rome
Van Gogh, Pietà
La « Pietà » que Vincent Van Gogh réalisa à partir d’une lithographie du même sujet peint par Delacroix possède une histoire bien particulière.

Tout d’abord, il s’agit de l’unique représentation du Christ que l’on puisse trouver dans toute l’œuvre de Van Gogh.

Bien que né d’un père Pasteur et ayant lui-même tenté de le devenir, il est recalé aux examens de théologie et doit abandonner sa carrière ecclésiastique.

Il est donc surprenant que cette « Pietà » soit unique dans l’œuvre de Van Gogh qui compte plus de deux mille dessins et toiles.

Van Gogh prend connaissance de la « Pietà » de Delacroix par la lecture d’une description de son tableau :

Vincent Van Gogh, détail de la Pietà, au musée d'art contemporain du Vatican à Rome
Van Gogh, Pietà
« La chapelle où j'ai peint ma « Pietà » était tellement obscure, que je n'ai pas su d'abord comment peindre mon tableau.

J'ai été obligé alors de peindre dans le cadavre du Christ des ombres avec du bleu de Prusse, les lumières avec du jaune de chrome pur. »
Eugène Delacroix

Une description qui pourrait être celle d’un tableau de Van Gogh, bleu de Prusse et jaune de chrome, des couleurs qu’il affectionne lui-même, dont il se sert pour intensifier les contrastes, les ombres et lumières de ses toiles.

Van Gogh admirait Delacroix en disant de lui « qu’il avait un soleil dans la tête et un orage dans le cœur. »

Vincent Van Gogh ne verra jamais l’œuvre peinte par Delacroix, mais son frère Théo, à sa demande, lui en procurera une lithographie.

La « Pietà » de Van Gogh, un évènement fortuit

Van Gogh n’avait pas l’intention de peindre une pietà, mais un évènement fortuit l’incita à réaliser sa propre pietà d’après Eugène Delacroix :

Vincent Van Gogh, détail de la Pietà, au musée d'art contemporain du Vatican à Rome
Van Gogh, Pietà
« Ainsi cette fois-ci pendant ma maladie il m’était arrivé un malheur, cette lithographie de Delacroix, La Pietà, avec d’autres feuilles était tombée dans de l’huile et de la peinture, et s’était abîmée.

J’en étais triste alors entretemps je me suis occupé à la peindre et tu verras cela un jour, sur une toile de 5 ou 6, j’en ai fait une copie qui je crois est bien sentie. »
Vincent Van Gogh, lettre à son frère Théo du 10 septembre 1889.

Dans une autre lettre à sa sœur Willemien, Vincent Van Gogh disait que la Vierge Marie de la « Pietà » de Delacroix lui faisait penser au roman de Jules et Edmond de Goncourt, Germinie Lacerteux (1865), dans lequel une vieille bonne, folle d'amour, devient hystérique et alcoolique.

Après l’accident survenu à la lithographie, Van Gogh peint une première version pour son frère Théo.

Puis en 1890, quelques semaines avant sa mort, Van Gogh réalise à Auvers-sur-Oise une autre version de la « Pietà », cette fois-ci pour sa sœur Willemina.

Une version aux dimensions plus petites, 41,5 x 34 cm, mais beaucoup plus puissante.

C’est cette version que vous pourrez admirer aujourd’hui au musée d’art contemporain du Vatican qui se trouve juste après les appartements de Borgia.

À noter que la version de Van Gogh est inversée par rapport à la « Pietà » de Delacroix, un effet miroir dû à la lithographie qui place donc la Vierge à gauche et non à droite du Christ comme dans le tableau de Delacroix.

La « Pietà » de Van Gogh : une « Mater Dolorosa »

Vincent Van Gogh, détail de la Pietà, au musée d'art contemporain du Vatican à Rome
Van Gogh, Pietà
Cette « Pietà » de Van Gogh traduit bien toute la douleur de la Vierge avec ses mains qui expriment désespoir et incompréhension, des mains qu’elle tend de chaque côté du corps du Christ dans un geste d’impuissance.

Van Gogh peint son visage comme si elle était autant privée de vie que son fils, son teint est d’une pâleur cadavérique.

Dans cette « Pietà«  de Van Gogh, le visage de la Vierge est comme un miroir, comme une réplique du visage du Christ, avec la même inclinaison de la tête, la même expression absente.

La seule différence entre eux tient dans leurs regards.

Le Christ a bien évidemment les yeux fermés tandis que Marie a le regard perdu, le regard de quelqu’un qui n’est plus là, qui n’est plus avec nous.

Elle ne regarde pas son fils, elle n’implore pas le ciel, son visage est tourné vers l’extérieur du tableau.

On ne sait même pas si ses yeux peuvent encore voir quelque chose.

Vincent Van Gogh, détail de la Vierge dans la Pietà, au musée d'art contemporain du Vatican à Rome
Van Gogh, Pietà
Van Gogh a en effet accentué l’absence de son regard en peignant deux orbites sombres, vides.

Seules les lèvres à peine colorées de la Vierge suggèrent encore un semblant de vie dans son corps prostré où la seule parcelle de vie est celle de ses vêtements qui flottent dans le vent.

On sait par une lettre à son frère que Van Gogh a peint sa « Pietà » sous des rafales de mistral si violentes qu’il a dû accrocher son chevalet à un rocher.

Un tableau qu’il a donc peint en extérieur, dans des conditions extrêmes pour encore mieux sentir lui-même l’effet de désolation de la scène.

Van Gogh écrit à son frère Théo :

« Le Christ gît étendu à l’entrée d’une grotte, les mains en avant… le visage est dans l’ombre, le visage pâle de la femme se découpe clair sur un nuage. »
Vincent Van Gogh, lettre à son frère Théo du 10 septembre 1889.

Vincent Van Gogh, détail du corps du Christ dans la Pietà, au musée d'art contemporain du Vatican à Rome
Van Gogh, Pietà
Ce paysage désolé, rocheux, venteux, sans aucune trace de vie végétale, situé à l’entrée de la grotte du Sépulcre, ajoute au désespoir, à l’accablement de la Vierge.

Les seules touches de lumière sont dans le ciel, un ciel typique à la Van Gogh, strié de larges touches jaunes ondulant à l’horizon.

En opposition avec le reste du tableau, le Christ est représenté dans une attitude apaisée, il paraît simplement endormi, la douleur endurée l’a quitté.

Prémonition de la Résurrection ?

C’est en tout cas notre interprétation lorsque l’on voit que Van Gogh a reproduit ces mêmes touches de jaune sur le linceul et le corps du Christ : la lumière qui vient après les ténèbres.

Van Gogh et le Christ Artiste

Bien que Van Gogh ne nous ait laissé qu’une seule représentation du Christ dans toute son œuvre, sa vocation religieuse l’imprégna toute sa vie, et ses réflexions sur le Christ que l’on peut lire dans sa correspondance à son ami Émile Bernard sont particulièrement profondes.

Vincent Van Gogh, détail de la Pietà, au musée d'art contemporain du Vatican à Rome
Van Gogh, Pietà
Un Christ particulier, à la Van Gogh, un Christ qu’il définit comme un artiste :

« La bible, c’est le Christ, car l’Ancien Testament tend vers ce sommet. Saint Paul et les évangélistes occupent l’autre pente de la montagne sacrée. […]

Mais la consolation de cette bible si attristante qui soulève notre désespoir et notre indignation, nous navre pour de bon, tout outrés par sa petitesse et sa folie contagieuse, la consolation qu’elle contient, comme un noyau dans une écorce dure, une pulpe amère, c’est le Christ. […]

Le Christ seul entre tous les philosophes, magiciens, a affirmé comme certitude principale la vie éternelle, l’infini du temps, le néant de la mort, la nécessité et la raison d’être de la sérénité et du dévouement.

Il a vécu sereinement en artiste plus grand que tous les artistes, dédaignant et le marbre et l’argile et la couleur, travaillant en chair vivante.

Cet artiste inouï, et à peine concevable avec l’instrument obtus de nos cerveaux modernes nerveux et abrutis, ne faisait pas de statues ni des tableaux ni même des livres... il l’affirme hautement, il faisait… des hommes vivants, des immortels. »
Vincent Van Gogh, Lettre à Émile Bernard, juin 1888

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