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Le Palais des Doges à Venise, Palais de Justice Vénitien
Une Plaidoirie au Palais de Justice, racontée par Goethe
Goethe fut également témoin d'une plaidoirie.
Une séance de justice d'autant plus intéressante que l'accusée n'était autre que la femme du Doge.
Une preuve de l'équité de la justice à Venise, pour le reste, c'est franchement désopilant !
« Une représentation dramatique d'un autre genre m'a beaucoup amusé : c'était une cause célèbre publiquement plaidée au palais ducal.
Un des avocats possédait toutes les qualités exagérées que les Italiens demandent à un buffo du premier ordre : une taille épaisse et courte, un profil saillant, des gestes animés, une voix d'airain et un animation qui pouvait faire croire qu'il prenait tout ce qu'il disait parfaitement au sérieux.
J'appelle cela une représentation dramatique, car je suis sûr que les plaidoyers et les répliques des avocats, ainsi que l'arrêt des juges, ont été préparés et arrêtés d'avance.
Cette manière de plaider une cause ne m'en parait pas moins préférable à nos interminables et muettes écrivasseries; je vais tâcher d'en donner une idée.
La salle est une des plus vastes du palais ducal : d'un côté, les juges sont rangés en demi-cercle ; en face d'eux, les avocats des deux parties occupent une vaste chaire au pied de laquelle se trouve un banc où s'assoient les accusés et les plaignants.
La séance de ce jour devait être une véritable controverse, et les documents, quoique déjà imprimés, allaient y être lus en présence des juges.
Un nombreux public encombrait la salle, car le procès par lui-même, et le rang de la personne en cause, ne pouvaient manquer d'intéresser vivement les Vénitiens.
Il s'agissait de fidéicommis et, en ce cas, le public donne toujours raison au descendant du propriétaire primitif.
Quant à la personne accusée, elle n'était autre que la femme du doge.
Cette princesse, déjà avancée en âge, d'une tournure noble et imposante, d'une figure belle quoique sévère, était assise sur le banc au pied de la chaire des avocats ; un très petit espace la séparait du plaignant.
Le peuple vénitien est très fier d'une législation qui contraint sa souveraine à venir, dans son propre palais, s'asseoir sur le banc des accusés devant la justice du pays.
Un scribe fort maigre, vêtu d'un habit râpé, s'est mis à lire les mémoires.
Alors seulement j'ai compris ce que faisait là, en face des juges, un petit homme assis sur un petit tabouret près d'une petite table sur laquelle il y avait un sablier qu'il couchait tant que le scribe lisait, et qu'il s'empressait de relever dès qu'un avocat ouvrait la bouche.
C'est que, d'après les us et coutumes de la justice vénitienne, le temps s'arrête tant que le scribe lit, mais il reprend son cours dès qu'un avocat parle.
Rien n'est plus singulier que de voir ce petit régulateur du temps coucher et relever à chaque instant son sablier, car les interruptions des avocats sont nombreuses.
Le temps qui leur est accordé pour parler est limité, et leur talent consiste à remployer utilement pour leurs clients, sans oublier d'amuser le public.
Je ne citerai qu'une seule de ces facéties :
Le scribe venait de lire, du ton dont on collationne les actes dans les bureaux, le testament par lequel le possesseur d'un fidéicommis en dispose non selon les conditions attachées à cette possession, mais suivant sa volonté à lui.
Au moment où le lecteur a prononcé ces mots : Je donne, je lègue, l'avocat s'est élancé sur lui en s'écriant :
— Que peux-tu donner, que peux-tu léguer, toi, pauvre diable qui ne possèdes rien ? Il est vrai, a-t-il ajouté comme en se remettant, que l'illustre testateur était dans le même cas que toi, et qu'il s'est avisé de disposer de ce qui ne lui appartenait pas.
De bruyants éclats de rire ont accueilli cette sortie.
Le scribe, après avoir fait à l'avocat une grimace de singe mécontent, a repris sa lecture, et le petit Saturne a couché le sablier.
Mais bientôt les interruptions sont devenues si fréquentes, qu'à force de changer la position horizontale ou verticale du sablier, le malheureux ne savait plus ce qu'il faisait ; il ressemblait aux mauvais esprits des théâtres de marionnettes, que les continuels berlicke et berlocke du malicieux Arlequin confusionnent au point qu'ils arrivent au mot magique qui devrait les chasser, et partent à celui qui les appelle. »
Goethe - Mémoires 1786
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